Zimbabwe : répression sans relâche de l’opposition après l’élection

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Sur la photo qui lui a valu son arrestation, le député de l’opposition Gift Ostallos Siziba arbore de larges lunettes de soleil et le maillot de son équipe favorite de football, les Zimbabwe Highlanders, avec comme légende : « Nous ne craignons personne ».

Dans la foulée de la rencontre avec les Dynamos de Harare, interrompue par des supporters envahissant la pelouse et l’intervention de la police, le député zimbabwéen a été arrêté pour incitation à la violence.

Une nouvelle illustration selon l’opposition d’une série de poursuites aux motivations fantaisistes visant à la réduire au silence, après la victoire controversée fin août du président sortant Emmerson Mnangagwa et de la ZANU-PF, parti au pouvoir depuis l’indépendance en 1980.

Selon le principal parti d’opposition, la Coalition des citoyens pour le changement (CCC), une douzaine de ses membres, dont des députés et des conseillers locaux, ont été arrêtés depuis les élections. La période pré-électorale avait également connu son lot d’interpellations et d’intimidations.

Ces poursuites « sont fabriquées de toutes pièces, politiquement motivées et sans fondement », assure à l’AFP le porte-parole du CCC, Promise Mkwananzi.

La ZANU-PF est de longue date accusée par les organisations de défense des droits humains de recourir, entre autres, au harcèlement judiciaire de l’opposition pour éteindre toute forme de contestation.

Le porte-parole de la police, Paul Nyathi, dément toute campagne contre l’opposition, expliquant se borner « à suivre la procédure » en cas d’infractions. Le gouvernement n’a lui pas répondu aux sollicitations de l’AFP sur ces arrestations.

Les observateurs internationaux ont jugé le scrutin « non conforme », soulignant de « graves problèmes » affectant la « transparence » de l’élection, qui a vu la victoire d’Emmerson Mnangagwa avec 52,6% des voix, contre 44% pour le candidat du CCC, Nelson Chamisa.

Le CCC a qualifié l’ensemble du processus de « chaotique et nul », et réclamé un nouveau scrutin. Depuis, plusieurs de ses membres ont connu de sérieux problèmes.

Début septembre, Womberaishe Nhende, tout juste élu conseiller municipal du CCC dans un quartier d’Harare, et un de ses proches ont été enlevés, torturés et abandonnés nus près d’une rivière à 70 km de là. Leurs avocats ont ensuite été interpellés pour obstruction à la justice.

Quant au porte-parole du CCC, il a fui le pays après que la police a exhumé un mandat d’arrêt de 2020 le visant, dans un dossier d’incitation à la violence dont il assure qu’il était clos. « J’ai été contraint de fuir, je n’avais pas d’autre option », dit-il.

Selon plusieurs spécialistes interrogés par l’AFP, cette vague de répression témoigne d’une forme de nervosité au sein du régime après l’élection et les critiques qui l’ont accompagnée.

Nicole Beardsworth, chercheuse et professeure à l’Université du Witwatersrand à Johannesburg, n’exclut pas que la ZANU-PF tente, par le biais de la répression en cours, d’aboutir à la condamnation de députés de l’opposition et de remporter leurs circonscriptions à la faveur d’élections partielles.

Il ne manque actuellement que dix sièges au parti autrefois dirigé par Robert Mugabe pour disposer de la majorité des deux tiers à l’Assemblée, requise pour qu’elle puisse modifier la Constitution à sa guise.

« C’est aussi une tentative de maintenir le CCC occupé et intimidé, pour s’assurer qu’il n’y ait pas de manifestations contre le régime », ajoute la chercheuse.

Pour le porte-parole Mkwananzi, le gouvernement tente de forcer son parti à « capituler pour entrer dans toutes sortes de négociations » ou à le « décimer » dans l’optique de futures élections. Le CCC espère toujours que son appel à de nouvelles élections recevra le soutien du bloc d’Afrique australe (SADC).

Un vœu pieu pour le Zimbabwéen Justice Mavedzenge, spécialiste de droit constitutionnel, qui souligne l’absence de consensus au sein de l’organisation.

Plusieurs pays de la SADC ont félicité Mnangagwa pour sa réélection et le président de la puissance régionale sud-africaine, Cyril Ramaphosa, a demandé mardi la levée des sanctions occidentales contre le Zimbabwe lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations unies.

Pour M. Mavedzenge, les arrestations des militants du CCC ne relèvent pas forcément d’un plan d’intimidation concerté, mais pourraient simplement être le fait de policiers « trop zélés », soucieux de prouver leur loyauté au président et son parti.