Au Cameroun, les lundis sont des journées qualifiées de « villes fantômes » ou « villes mortes » dans les régions anglophones, confrontées depuis environ sept ans à une crise séparatiste. Les marchés sont fermés, les bureaux verrouillés et les rues désertes. Un confinement imposé par les séparatistes qui ont pris les armes contre le gouvernement de Yaoundé.
En arrêtant toute activité économique une fois par semaine, ils espèrent ainsi faire pression sur le gouvernement pour que celui-ci fasse des concessions à la communauté anglophone du pays. Alors, durant ces jours où tout s’arrête, les habitants se sont créés des activités avec des groupes sur les réseaux sociaux comme « connaissez votre voisin », des réunions de tontines, des clubs sportifs, des chorales et certains bars ouvrent uniquement pour les habitants du quartier.
Dans un pub de Bamenda
A Bamenda, les rues sont vides ce lundi encore. Les gens sont chez eux en raison de l’insécurité. Dans ce pub, les lundis, les habitants du quartier partagent un verre entre voisins et amis.
Pour se faire servir, il faut être du quartier car les inconnus ne sont pas les bienvenus. La chanson de Patrick Neba en fond sonore raconte la douleur endurée par la région dans son ensemble.
Le propriétaire de la brasserie, qui se fait appeler Spice Boy, dit gagner environ 50 à 70 euros en temps normal. Mais les jours de ville morte, c’est le double de ce montant qui entre dans les caisses.
D’autant que le lundi est désormais aussi une journée des réunions de tontine ou njangi.
« L’un des jours où les ventes sont très importantes est le lundi, explique Spice Boy. La raison est simple. Nous avons des réunions njangi qui ont toutes été déplacées du dimanche au lundi et après ces réunions njangi, les gens viennent boire et socialiser. Les lundis peuvent être très ennuyeux et pour mettre fin à l’ennui, ils viennent boire.«
A Bamenda, l’émergence de groupes sur les réseaux sociaux est une autre nouveauté depuis l’instauration des villes mortes chaque lundi. Les gens se rassemblent en groupes. L’âge et, dans certains cas, le lieu de résidence sont déterminants pour devenir membre de ces réseaux.
Njangi le lundi
Louis Ambechi est le président des « voisins prospères« . Selon lui, le lundi est devenu le meilleur jour pour se rencontrer.
« Nos journées njangi se déroulent le lundi parce que nous les faisions le dimanche et il y avait alors de nombreuses absences, car les membres avaient d’autres engagements, explique Louis Ambechi. Comme le lundi est un jour libre dans la région du Nord-Ouest, nous avons décidé de mettre le njangi le lundi pour que personne ne se plaigne. »
Comme Louis Ambechi, le lundi est devenu pour Carine, une autre habitante de Bamenda, un jour pour mieux connaître ses voisins.
« Nous nous soucions de nos prochains, relate Carine… Le lundi est un jour pour être à la maison, nous en profitons pour faire de l’exercice en faisant partie de groupes de njangi, en faisant la lessive, en rencontrant des amis.«
Avec la crise qui s’éternise dans les régions anglophones, l’organisation des réunions de tontine a pris de l’importance le lundi. A tour de rôle, les membres du groupe reçoivent l’argent de la tontine chaque lundi. Une occasion aussi pour de nombreuses personnes de se retrouver, de discuter et de partager une bière.