L’intelligence artificielle (IA), c’est le développement de logiciels informatiques qui exécutent des tâches complexes sans intervention humaine. Et l’IA, l’intelligence artificielle, est au cœur d’une révolution technologique actuellement en cours.
Les Nations unies ont formé un groupe de réflexion composé de 38 membres venus du monde de l’entreprise – comme des représentants des GAFA : Google, Facebook, Apple et Amazon – mais aussi des scientifiques. Parmi eux se trouvent six Africains, dont un Sénégalais : Seydina Moussa Ndiaye, de l’Université numérique Cheikh Hamidou Kane. Leur mission est de réfléchir aux atouts que l’intelligence artificielle peut représenter pour l’humanité mais aussi aux problèmes qu’elle pourrait poser.
Silicon Valley à l’africaine
En Afrique, de plus en plus de start-up se spécialisent dans l’intelligence artificielle et proposent leurs services à des multinationales. Ce nouveau secteur en expansion représente une chance pour de nombreux jeunes Africains de trouver un travail, mais certains experts redoutent une exploitation de travailleurs mal payés. Notre consoeur DW Simone Schlindwein s’est rendue dans les locaux de l’entreprise Sama, à Kampala, en Ouganda, où de jeunes employés collectent des données pour entraîner des logiciels d’intelligence artificielle.
Imaginez un grand bureau où 150 personnes sont assises, chacune devant un ordinateur. En arrière-fond, il y a de la musique. Mais ce qu’on entend surtout, ce sont les clics des employés.
La décoration des locaux ressemble à une version africaine de la Silicon Valley, avec des tissus accrochés aux murs, des plantes grimpantes. Il y a même des sucettes posées sur un bar pour ceux qui veulent. En revanche, interdiction de prendre des photos. Et les personnes habilitées à répondre aux questions sont choisies par la direction.
Main d’oeuvre à bas coût
Joshua Okello est le directeur général de Sama. La plupart de ses clients sont en Amérique du Nord ou en Europe, jusqu’en Allemagne. Pour lui, c’est une opération “gagnant-gagnant”, comme il l’explique : “Au lieu de payer 50.000 €, ils peuvent recourir à nos services pour bien moins cher. Prenez par exemple une entreprise qui développe des robots pour cueillir des pommes ; il faut apprendre à l’algorithme à reconnaître quand procéder à la récolte, c’est-à-dire quand les pommes sont mûres à exactement 92%, quand elles ont atteint une couleur bien spécifique. Les clients nous envoient des photos et des vidéos de ces pommes et nous, nous entraînons petit à petit l’IA à cueillir les bons fruits.”
Les salariés de Sama sont divisés en deux équipes, une de jour, une de nuit. Depuis l’Ouganda, ils travaillent pour le compte de multinationales comme Google, Meta, Ebay, Ford, BMW, Facebook ou même la Nasa.
Auparavant, ce type d’entreprises installaient des centres d’appel téléphoniques en Inde mais désormais, les salaires indiens sont trop élevés et les entreprises se tournent vers l’Afrique de l’Est. Le Kenya, le Rwanda et l’Ouganda, donc, présentent de nombreux atouts : une main d’œuvre moins chère qui parle l’anglais, les connexions internet y sont stables et la différence horaire avec l’Europe peu importante.
Joshua Okello souligne les besoins en emplois des pays où la pauvreté et le chômage des jeunes sont omniprésents.
Bruno Kayiza est employé de Sama. Il dit aimer son travail sur des drones destinés aux agriculteurs, pour lutter contre les mauvaises herbes : “Je trouve qu’on est bien payés, déclare-t-il. Bien plus que pour un autre premier boulot – dans les 20% en plus.“ Bruno Kayiza met aussi en avant les avantages sociaux que lui garantit son emploi, comme des assurances maladie ou invalidité.
Problèmes de réglementation
En tant qu’employeur, Sama se réclame d’une éthique que ne partagent toutefois pas toutes les entreprises du secteur implantées en Afrique. Un problème à régler d’urgence, du point de vue de Nanjira Sambuli.
“C’est une grande question politique, à la fois pour les responsables africains et la communauté internationale, estime la chercheuse kenyane. L’Afrique a besoin de ces emplois. Mais ne devrions-nous pas améliorer la protection des travailleurs ? Nous devons à la fois veiller à la sécurité des emplois et aux droits des employés.“
Seydina Ndiaye, le membre sénégalais du groupe de réflexion mis en place par les Nations unies sur l’intelligence artificielle, reconnaît les potentiels de l’IA pour l’agriculture ou la santé par exemple : la gestion des données, des infrastructures, des terres arables non-exploitées, des ressources en eau. Mais il met aussi en garde contre les risques de l’intelligence artificielle.
Seydina Ndiaye constate en effet que la plupart des données générées en Afrique sont stockées par des multinationales hors du continent et que ces entreprises pourraient profiter des réglementations insuffisantes dans les pays africains pour procéder à des tests qui échappent à tout contrôle.
Le chercheur appelle donc les Etats à développer des stratégies nationales – la stratégie continentale sera présentée prochainement – pour encadrer par des législations strictes l’usage de technologies que l’on ne maîtrise pas encore totalement.