C’est un fait marquant tant judiciaire que politique dont l’onde de choc, encore indéterminée, devra être surveillée dans une Côte d’Ivoire où les manœuvres ont commencé dans la perspective de l’élection présidentielle d’octobre 2025.
Ce jugement du tribunal de première instance d’Abidjan a en effet contrarié la volonté du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA) de choisir, en son 8e congrès extraordinaire fixé ce samedi 16 décembre, entre Tidjane Thiam, ex-ministre du Plan et du Développement mais aussi ancien président de Credit Suisse, et Jean-Marc Yacé, maire de Cocody, pour désigner le successeur à la tête du parti du président Henri Konan Bédié, décédé le 1er août dernier.
La requête de deux militants
À l’origine de cette suspension de dernière minute, il y a une requête de deux militants du PDCI-RDA même. L’un, Christophe Blesson, 60 ans, est transitaire, membre du bureau politique et secrétaire général de la section de Yopougon Niangon Saint-Pierre, une commune à l’ouest d’Abidjan. L’autre, Mathieu Ourah Affroumou, 43 ans, est opérateur économique, secrétaire général de section et président national du mouvement Rassemblement pour la victoire du PDCI-RDA.
Membres statutaires du congrès, les deux requérants reprochent au comité électoral du parti en charge de l’organisation du congrès la non-publication de la liste d’une part des congressistes, d’autre part des candidats retenus. Plus précisément, argumentent-ils, « le comité électoral n’a produit aucun document pouvant attester l’éligibilité des candidats retenus ». Une manière de dénoncer « une opacité du processus » qui pourrait ouvrir la porte à des « troubles » si le congrès était maintenu à la date précédemment prévue. Et de demander à la justice de « suspendre » le processus en marche et de « reporter » les assises.
Jugée recevable par crainte de troubles à l’ordre public
La requête ainsi portée à l’appréciation du tribunal de première instance d’Abidjan a non seulement été déclarée recevable mais elle a trouvé en la juge Aminata Touré une magistrate sensible à ses arguments. Pour elle, « les irrégularités dénoncées peuvent effectivement compromettre l’élection du nouveau président du PDCI », voire « engendrer des troubles à l’ordre public ».
En foi de quoi le tribunal a ordonné « la suspension » et « le report » sine die du congrès. De quoi créer, par son caractère imprévu et exceptionnel, la confusion samedi au lever du jour parmi les 6 000 congressistes, dont certains, venus de l’intérieur du pays, avaient déjà rallié Abidjan et même le siège du PDCI à Cocody pour retirer leurs badges d’accès ainsi que les documents du congrès.
Leur surprise a été d’autant plus grande que le siège du parti était déjà sous bonne garde de forces de l’ordre déployées pour empêcher toute entrée. Le scénario a été le même autour du complexe hôtelier prévu pour abriter le congrès. Une célérité dans l’exécution du jugement suffisamment exceptionnelle pour en interloquer plus d’un.
Appels au calme des candidats Thiam et Yacé
Devant cette situation, les candidats en lice se sont tous les deux fendus de communiqués en direction des militants du PDCI-RDA. Tidjane Thiam l’a fait en milieu de journée, les appelant au « calme » et à « ne pas effectuer le déplacement » vers le lieu du congrès.
Jean-Marc Yacé, lui, a mis l’accent sur le fait qu’il partageait leur « désarroi » et les a appelés à « l’apaisement et la retenue ». Pour marquer sa contrariété, il a indiqué que ceux-ci étaient « confrontés à l’obstacle regrettable de l’inaccessibilité » au site du congrès et à la maison du parti. Samedi étant un jour non ouvré, la notification n’était pas encore parvenue au Conseil du parti, qui a donc décidé de l’attendre avant de se prononcer.|