Lagos, jeudi 3 juillet 2025, le rideau est tombé sur l’une des plus nobles figures du football africain. Peter Rufai, ancien gardien de but à la stature quasi-mythique, s’est éteint à l’âge de 61 ans, vaincu non pas par ses adversaires de jadis, mais par une hémiplégie tenace, qui aura peu à peu éteint cette flamme vivace qui brillait encore dans les souvenirs des amoureux du ballon rond.
Derrière son calme olympien se dissimulait un félin aux réflexes fulgurants, une sentinelle des cages au regard fauve, toujours aux aguets. Peter Rufai n’était pas simplement un gardien de but. Il fut, pour une génération de Nigérians et d’Africains, le gardien de la dignité, l’ultime bouclier d’une nation en quête de gloire continentale et de respectabilité mondiale.
Sa carrière, forgée dans les rigueurs du haut niveau et les exigences du poste le plus ingrat, fut un hymne à la persévérance, à la loyauté sportive et au dépassement de soi. C’est en 1994 qu’il entre définitivement dans la légende : vainqueur de la Coupe d’Afrique des Nations, il offre au Nigeria un titre tant attendu, inscrivant son nom dans les annales du football africain. Quelques mois plus tard, il garde les cages des Super Eagles lors de la Coupe du Monde aux États-Unis, où son calme et sa sûreté deviennent des repères pour toute une équipe portée par des talents comme Jay-Jay Okocha ou Rashidi Yekini. En 1998, il remet cela, cette fois en France, démontrant à 35 ans une longévité que bien peu de gardiens peuvent revendiquer.
Mais Peter Rufai, c’était aussi un homme aux racines profondes et au cœur sans frontières. Peu de passionnés savent qu’il prêta un jour main forte à la sélection nationale du Bénin, honorant les couleurs de ce pays voisin avec la même rigueur et le même panache. Un geste qui, loin d’être anecdotique, révélait chez lui une haute idée du football comme art de rassembler, de fédérer au-delà des appartenances nationales.
Ce parcours, tissé de fidélités silencieuses et de gestes techniques millimétrés, forge aujourd’hui le souvenir d’un homme dont la discrétion égalait le talent. À l’heure où les réseaux sociaux glorifient les vedettes aux éclats parfois factices, Rufai nous rappelle l’élégance d’une grandeur sans fracas, la noblesse d’un destin sans vacarme.
Il y avait chez lui cette gravité tranquille propre aux hommes qui savent ce qu’ils représentent, sans jamais en faire étalage. Dans les tribunes, les chants de Lagos scandaient autrefois son nom avec ferveur. Aujourd’hui, ce sont des prières silencieuses qui l’accompagnent vers l’au-delà.
Que la terre nigériane, et celle du continent entier, lui soit légère. Que Dieu, dans sa miséricorde infinie, l’accueille dans sa lumière. Et que son souvenir demeure vivant, tel un phare dans la mémoire du sport africain.
Marie Lumière AKPOVI