Le sommet du 15 décembre 2024 à Abuja a confirmé le retrait officiel du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ce retrait, initié par des divergences profondes sur la gestion des crises régionales, ouvre une nouvelle ère pour ces pays regroupés sous l’Alliance des États du Sahel (AES). Loin d’être un rejet de l’intégration africaine, cette initiative reflète une volonté de réorientation vers une coopération adaptée aux réalités sahéliennes.
Un choix stratégique et souverain
Les trois États sahéliens, confrontés à des défis uniques, notamment la lutte contre le terrorisme et les conséquences de coups d’État successifs, ont jugé que la CEDEAO n’était plus en mesure de répondre efficacement à leurs besoins. La création de l’AES en septembre 2023 traduit une volonté de souveraineté renforcée, avec pour piliers la sécurité collective, le développement économique ciblé et une gestion adaptée des urgences régionales.
Ce retrait ne signifie pas un repli sur soi. Les leaders de l’AES ont réaffirmé leur engagement envers l’intégration africaine en garantissant des droits fondamentaux aux ressortissants de la CEDEAO. L’une des décisions phares est la libre circulation sans visa dans l’espace AES pour les citoyens des pays membres de la CEDEAO. Cette mesure, saluée par les observateurs, vise à maintenir les liens humains, économiques et culturels entre les deux entités.
Un modèle alternatif de coopération
L’AES entend établir un cadre souple et pragmatique qui répond aux priorités régionales :
- Sécurité : Les trois pays mettent en commun leurs forces armées pour combattre les groupes terroristes qui menacent leurs populations et infrastructures.
- Développement économique : En dehors des sanctions économiques imposées par la CEDEAO, l’AES ambitionne de créer une zone économique résiliente basée sur l’autosuffisance et les partenariats équitables.
- Relation avec la CEDEAO : Bien que le retrait soit officiel, l’AES reste ouverte à une collaboration thématique avec la CEDEAO, notamment sur les enjeux transfrontaliers comme le commerce et la migration.
Les répercussions régionales
Le retrait des trois États sahéliens met en lumière des fractures au sein de la CEDEAO, appelée à repenser son modèle pour répondre aux attentes diverses de ses membres. Cependant, ce choix pourrait également enrichir le débat sur les modalités d’intégration en Afrique, en proposant un modèle plus flexible et adapté aux réalités locales.
Par ailleurs, l’AES envoie un signal clair à ses partenaires internationaux : la gestion des affaires sahéliennes doit se faire avec une autonomie renforcée, tout en valorisant des coopérations basées sur le respect mutuel.
En quittant la CEDEAO tout en garantissant le droit d’entrée sans visa aux ressortissants de l’organisation, l’AES montre qu’elle ne renie pas les principes d’intégration régionale. Elle prône un modèle basé sur la souveraineté, la coopération thématique et l’adaptation aux enjeux locaux. Ce choix, bien que clivant, pourrait inspirer une refonte des organisations régionales en Afrique pour mieux concilier autonomie nationale et solidarité continentale.