Les frigos solaires, une solution durable pour nourrir l’Afrique

Faute de chambres froides et d’accès à l’électricité, près de la moitié des productions agricoles en Afrique est détruite avant d’atteindre les étals. À l’heure de l’urgence climatique, des solutions écologiques pour mieux conserver les aliments prennent leur essor.

Oignons, manioc, sorgho, tomates, poulet, lait… En Afrique subsaharienne, près de 40 % des denrées alimentaires périssables se gâtent et sont jetées avant d’atteindre les assiettes. Chaque année, ces pertes pourraient nourrir au moins 48 millions de personnes, soit l’équivalent de la population kényane, selon les dernières estimations de la FAO. La raison? L’absence, entre le lieu de production et le point de vente, d’infrastructures adaptées et notamment d’une chaîne du froid efficace.

Mettre fin au gaspillage

Faute d’accès à l’électricité et d’investissements, les chambres froides et autres camions frigorifiques sont encore trop rares sur le continent. En moyenne, l’Afrique possède dix fois moins de capacités de stockage frigorifique que l’Europe. ​La consommation annuelle d’électricité pour les besoins de froid est de 76 kWh par habitant en Afrique subsaharienne, à comparer aux 2 697 kWh en Amérique du Nord. Cette carence en capacités de stockage et de conservation de la production locale oblige de nombreux pays, pourtant théoriquement autosuffisants sur certaines variétés de denrées, à importer chaque année des tonnes de nourriture.

Dans un contexte d’urgence climatique, de nombreux acteurs africains réfléchissent à des options durables pour répondre aux besoins de refroidissement, qui grandissent à mesure que les températures augmentent, tout en s’éloignant des énergies fossiles. À l’échelle très locale, plusieurs solutions naturelles ont prouvé leur efficacité depuis des millénaires, et retrouvent désormais leur lettre de noblesse. C’est le cas du « frigo du désert », appelé tantôt « Zeer » (« évaporation », en arabe) ou canari, dont la première utilisation remonte à l’Égypte antique.

Le dispositif est particulièrement simple : deux pots en terre, séparés par du sable humide, au sein duquel les aliments peuvent être conservés au frais grâce à la circulation d’eau induite par l’évaporation. Récemment, ce concept pour le moins « low-tech » a notamment été repris et amélioré par la société marocaine Rawya Lamhar, via sa filiale Go Energy Less, sous le nom de Fresh-it.

ColdHubs, changement d’échelle

Bien que pratique et peu coûteux, le Zeer ne peut pas répondre à lui seul à la problématique de chaîne du froid sur le continent. Il ne refroidit pas suffisamment pour conserver la viande, le lait et le poisson. Il a en outre une capacité de stockage limitée. À mi-chemin entre les grandes plateformes logistiques très énergivores et le « frigo du désert », la société nigériane Nnaemeka Ikegwuonu a lancé ColdHubs : des chambres froides collectives, d’une capacité de trois tonnes, qui fonctionnent à l’énergie solaire.

Depuis 2015, l’entreprise s’est implantée dans une petite centaine de marchés et de fermes au Nigeria et cherche à s’étendre dans toute l’Afrique, avec pour objectif de construire 5 000 ColdHubs d’ici à 2030. La force de son succès ? Un modèle collectif et flexible, dans lequel chaque agriculteur bénéficie d’un local froid. Le paysan loue un emplacement à la journée pour 0,50 centime de dollar par cagette de 20 kg.

Sensible à la crise écologique en cours, le fondateur met un point d’honneur à s’approvisionner, autant que faire se peut, en matériaux locaux et en gaz non polluant. Sur le front social, ColdHubs emploie principalement des femmes pour gérer ses chambres froides. Selon Nnaemeka Ikegwuonu, grâce à cette initiative, les agriculteurs ont vu leurs revenus doubler, passant de 60 à 120 dollars par mois en moyenne.