Madagascar : un nouveau gouvernement de transition qui ne fait pas l’unanimité

Très attendue, la composition du gouvernement marque un moment clé dans la tourmente qui secoue Madagascar. Les manifestations contre les coupures d’eau et d’électricité, durement réprimées il y a à peine un mois, ont précipité une série d’événements qui témoignent de l’urgence de la situation.

La nomination du nouveau gouvernement malgache marque un tournant dans une crise politique qui s’accélère depuis plusieurs semaines. Tout a commencé par les manifestations massives contre les coupures d’eau et d’électricité, violemment réprimées, qui ont révélé un profond malaise social et une jeunesse décidée à se faire entendre. La tension a culminé avec un rapprochement inattendu entre les militaires et la Gen Z, à la tête des revendications, qui semble avoir précipité la fuite du président Andry Rajoelina.

Face à la vacance du pouvoir, l’Assemblée nationale a destitué le président en fuite le 14 octobre. La Haute Cour constitutionnelle a immédiatement confié la présidence au colonel Michael Randrianirina, qui a mis en place un Comité national pour la défense de la transition (CNDT). Rapidement, ce dernier a nommé Herintsalama Rajaonarivelo au poste de Premier ministre. Économiste de formation, patron de banque et chef d’entreprise, il suscite plus de scepticisme que d’enthousiasme. Jugé trop proche de l’ancien pouvoir, il se retrouve sous la surveillance attentive de la jeunesse malgache, qui promet de ne rien laisser passer.

« Il a les compétences et l’expérience, mais aussi des liens avec les organisations internationales qui collaboreront avec Madagascar », souligne le colonel Randrianirina. Dans son discours de passation des pouvoirs, le Premier ministre a réaffirmé son engagement à appliquer une « tolérance zéro » contre les malversations et à constituer « un gouvernement tourné vers l’action, la transparence et la redevabilité. Nous ne tolérerons aucune forme de mauvaise gestion, de corruption ou d’abus de pouvoir. Nous allons rétablir la bonne gestion des ressources et des biens publics ».

Un gouvernement pas si resserré

Finalement, après deux reports, le très attendu nouveau gouvernement a été annoncé le 28 octobre. Il compte 25 civils et 4 officiers militaires ou paramilitaires. Si certaines figures emblématiques du passé réapparaissent, comme Christine Razanamahasoa, longtemps proche du président démis et nommée ministre des Affaires étrangères, ou Hanitra Razafimanantsoa, fidèle de l’ancien président Marc Ravalomanana et désormais ministre d’État auprès de la Présidence chargée de la Refondation, le gouvernement introduit également une vague de nouveaux visages. Le rôle précis du ministère d’État reste à préciser, mais sa création traduit une volonté de relancer les réformes institutionnelles.

La nomination de Fanirisoa Ernaivo à la Justice devrait, elle, faire l’unanimité. Exilée à Paris, cette ancienne présidente du syndicat des magistrats de Madagascar s’est illustrée dans son combat juridique contre l’ex-président Rajoelina, contestant sa candidature en raison de sa nationalité française.

Avec 29 ministères au total, ce gouvernement n’est finalement pas si resserré. Il intègre des entrepreneurs, des professeurs comme Hery Ramiarison aux Finances et d’autres personnalités inconnues du grand public, signe d’un mélange d’expérience et de renouvellement.

Lors de la cérémonie d’investiture, le président de la République de la Refondation, Michaël Randrianirina, a rappelé les priorités : lutte contre l’impunité, rétablissement d’un climat d’affaires apaisé et résultats concrets à court terme. « Chaque ministre doit obtenir des résultats d’ici à deux mois. L’absence de progrès sera considérée comme un échec et pourra entraîner un remplacement immédiat », a-t-il averti, posant d’emblée le ton d’un gouvernement placé sous haute vigilance.

Corruption et scandales : la Justice entre dans l’arène

La nouvelle ministre de la Justice, Fanirisoa Ernaivo, ne manquera pas de travail. Bois de rose, avions, cession de terres, les dossiers de corruption s’empilent depuis des décennies et elle est déjà plongée au coeur de l’action. C’est elle qui a été mandatée par le Comité national pour la défense de la transition (CNDT) pour se rendre à l’île Maurice afin de suivre l’enquête visant l’homme d’affaires Mamy Ravatomanga. Ce tycoon malgache, honni par la Gen Z, avait quitté le pays dans la nuit du 11 octobre, accompagné du Premier ministre Christian Ntsay, pour se réfugier à Maurice. La justice malgache a demandé l’ouverture d’une enquête pour blanchiment d’argent et détournement de fonds auprès des magistrats mauriciens. Selon Forbes, la fortune de Ravatomanga est estimée à 28 milliards de dollars. Le 18 octobre, Fanirisoa Ernaivo a remis à la Financial Crimes Commission (FCC) de Maurice un dossier détaillé comprenant documents financiers et preuves de transactions présumées illicites.

Le président Michael Randrianirina a réaffirmé son engagement à conduire une transition de deux ans maximum. Durant cette période, le gouvernement aura la charge d’organiser une concertation nationale, de préparer un référendum constitutionnel et de poser les bases pour de nouvelles élections présidentielles.